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Philippe
de Ferrari (1850-1917)
Fragments
biographiques
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Pourquoi "fragments
biographiques" ?
Philippe
de Ferrari, considéré comme le plus
grand collectionneur de
timbres de tous les temps, est un personnage extraordinaire et
controversé. Sa biographie est particulièrement
riche et complexe et il
a fallu attendre 2017 et l'ouvrage de Wolfgang Maassen : "Philippe de
Ferrari, cet inconnu" (ed. Club de Monte-Carlo) pour faire justice
d'informations
communément admises à son propos, et qui étaient
inexactes ou contradictoires.
Ainsi,
il est sans doute plus aisé de se faire une idée
de ce qu'a été son
immense collection de ce qu'a été sa vie. Cette collection nous est connue au travers des
catalogues des ventes aux
enchères publiques de la collection laissée à Paris et qui
a fait l'objet d'une mesure de séquestre de guerre (14
ventes du 23
juin 1921 au 26 novembre 1925) et de la vente de sa collection
spécialisée
de Grèce à Zurich du 22 au 24 avril 1929.
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Ces
catalogues sont évidemment recherchés. Joachim
Erhardt en a réédité en 1987 un
recueil.
Le texte
du catalogue de la dixième vente + les planches de la
onzième vente (timbres de France !) sont accessibles ici.
la
page consacrée à Philippe de Ferrari par Wikipedia
(capture réalisée en 2017) avec trois inexactitudes
majeures
Nous proposons de rassembler ici des documents d'époque ou
témoignages "de première main" sur la vie de Philippe de
Ferrari (ceux de ces documents qui ont été
collectés avant 2017 ont été mis à la
disposition de W. Maassen). Et pour commencer, contrairement à
ce que l'on pouvait lire sur la page que Wikipedia lui consacre
jusqu'à ce qu'elle soit corrigée en octobre 2017 par
l'auteur de ces lignes :
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Acte de naissance
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"Préfecture du Département de la Seine
Extrait du registre des Actes de Naissance du premier Arrondissement ancien(1)
de Ferrari de Galliera
Le 13 janvier 1850 dix heures du matin, devant nous, maire, officier de
l'Etat-civil du premier arrondissement de Paris, Monsieur Paul Antoine
Dubois, Professeur à la Faculté de médecine de
Paris(2), âgé de cinquante-quatre ans,
demeurant rue Monsieur le Prince numéro douze, a
présenté un enfant de sexe masculin qu'il a
déclaré être né à Paris, rue d'Astorg
n°16, chez son père, le onze de ce mois,
à neuf heures du soir, fils de Raphaël Marquis de Ferrari,
Duc de Galliera, propriétaire âgé de
quarante-quatre ans et de Marie Joséphine Françoise
Brignole-Sale son épouse âgée de trente-sept ans,
mariés à Gênes (Sardaigne) le 14 janvier 1828 et a
donné à cet enfant les prénoms de Louis Philippe
Antoine Marie Augustin Raoul.
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En
présence de Jacques Anatole Fortuné Defrenne, professeur
émérite agrégé de l'Université,
âgé de cinquante-trois ans, demeurant à Paris rue
du Rocher 26 et de Hippolyte Louis Desportes de la Fosse,
propriétaire, âgé de quarante-sept ans, demeurant
à Paris rue de la Paix 24, lesquels ont signé avec nous
et le déclarant agissant au nom du père
momentanément absent [...]."
Notes :
(1) il s'agit de l'organisation administrative de Paris avant 1860
(2) Paul Antoine Dubois (1795-1871),
médecin obsétricien français, sera par la suite
doyen de la Faculté et accoucheur de l'impératrice
Eugénie (son père Antoine Dubois a été
l'accoucheur de l'impératrice Marie-Louise).
L'état-civil de naissance de Philippe de Ferrari est donc :
Louis Philippe Antoine Marie Augustin Raoul de Ferrari de Galliera,
né le 11 janvier 1850 à 9 heures du soir, au 16 rue d'Astorg à Paris.
Ses parents, Raffaele de Ferrari (1803-1876) et Marie Brignole Sale
(1811-1888) sont issus de familles patriciennes Gênoises (toutes
deux ont donné des Doges à la ville). La famille Brignole
Sale était plus prestigieuse, la famille Ferrari plus
fortunée. Raffaele de Ferrari bâtit une importante fortune en
France en étant dirigeant ou actionnaire d'établissements
bancaires comme le Crédit industriel (avec les frères
Péreire) ou de compagnies de chemin de fer ; il est
créé Duc de Galliera par le pape Grégoire XIII en
1837.
Philippe de Ferrari est le troisième et dernier enfant du
couple, après Livia (1828-1829) morte en bas âge et Andrea
(1831-1847) héritier prometteur décédé
subitement à l'âge de 15 ans. Lorsqu'il naît, il est
donc la seule descendance de parents relativement âgés,
issus de lignées patriciennes et immensément riches.
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Raffaele de Ferrari, duc de Galliera |
Marie Brignole Sales, duchesse de Galliera
et son fils Philippe, en 1856 |
Il a été dit que Raffaele de Ferrari n'était pas le père de Philippe. La famille Lacoumette fait figurer Philippe de Ferrari dans son arbre généalogique,
comme fils d'un certain Bernard Lacoumette (1817-1862), agent
d'assurances - cette famille indique avoir "des photos et des lettres".
Rien d'autre que ces affirmations ne vient étayer cette
revendication.
Le n°16 de la rue d'Astorg n'existe plus
aujourd'hui : comme le n°18, il a disparu lors du percement de la
prolongation de la rue Roquépine entre la rue d'Astorg et le
boulevard Malesherbes en 1861-62.
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Ondoiement et Baptême
Philippe de Ferrari est ondoyé le lendemain de sa naissance,
"à domicile pour raison de santé". L'acte ne mentionne
aucun prénom. Le domicile de la famille de Ferrari relève
de la paroisse de La Madeleine.
"L'an
mil huit cent cinquante le 12 janvier midi, ondoyé à
domicile pour raison de santé avec autorisation de monseigneur
l'archévêque de Paris par nous vicaire de St Roch,
soussigné, sur le consentement de Monsieur le curé de la
Madeleine, un enfant de sexe masculin, né d'hier du mariage de
Monsieur Raphaël de Ferrari Duc de Galliera, et de Dame Marie
Brignolle Salle son épouse, domiciliés rue
d'Astorg-St-Honoré n°16, en présence du père
de l'enfant et de Dame Louise du Razzo, tante maternelle, lesquels ont
signé avec nous le présent acte."
Il est baptisé à l'âge de un mois, à La Madeleine :
"L'an
mil huit cent cinquante le onze février ont été
suppléées les Cérémonies du baptême(1) par nous Nicolas Olivier, Evêque d'Evreux(2),
à Louis Philippe Antoine Marie Augustin, ondoyé à
domicile le douze janvier dernier pour cause de maladie, né le
onze même mois, fils de Raphaël de Ferrari Duc de Galliera
et de Dame Marie Brignolle Salle son épouse, demeurant rue
d'Astorg 16 en cette Paroisse. Le Parrain a été Louis
Philippe Cte de Neuilly(3) demeurant en
Angleterre, représenté par Anne Louis Raoul Victor Duc de
Montmorency demeurant à Paris rue St-Dominique-St-Germain 117 et
la Marraine Marie-Amélie Ctesse de Neuilly(4) demeurant en Angleterre, représentée par Louise Negroni Mse Durazzo(5), demeurant place du Palais-Bourbon 9, lesquels ont signé avec nous [...]."
Notes :
(1) Cette tournure s'explique par le fait que le baptême a été précédé d'un ondoiement.
(2) Nicolas-Théodore Olivier (1798-1854), évêque d'Evreux de 1841 à 1854.
(3) Le Parrain de Philippe de Ferrari, "Louis Philippe, comte de
Neuilly, demeurant en Angleterre", n'est autre que le Roi des
Français détrôné en 1848 et qui
décèdera le 28 août 1850 en exil.
C'est donc à tort que wikipedia indiquait que le Parrain de
Philippe de Ferrari était le comte de Paris Philippe d'Orléans.
(4) Autrement dit : la Reine Marie-Amélie, épouse de Louis Philippe
(5) Tante maternelle de Philippe de Ferrari, qui a aussi signé l'acte d'ondoiement.
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Scolarité
Le XIXe siècle, 12 août 1872
Le Rappel, 23 août 1872
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Mais s'il figure dans les
listes d'admis publiées en août 1872, Philippe de Ferrari
ne figure plus dans les listes de nominations d'élèves
publiées en décembre 1872.
Journal des débats politiques et littéraires, 13 décembre 1872
Philippe de Ferrari n'est plus dans la liste, qui est complétée par Louis Blanchet en 20e position
Pour
quelle raison Philippe de Ferrari a-t-il renoncé à
l'entrée à l'ENS ? Peut-être a-t-il reculé
devant ce que signifie une admission à l'ENS, prestigieuse
certes, mais qui astreint
ensuite à la charge régulière d'un service
d'enseignement. Peut-être aussi a-t-il été
rebuté par l'internat obligatoire dans le régime de l'ENS
à l'époque.
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Activité d'enseignement à l'Ecole Libre des Sciences Politiques
L'Ecole
Libre des Sciences Politiques, établissement privé
d'enseignement supérieur créé en 1872 par Emile Boutmy (1835-1906), est l'ancêtre de l'Institut d'Etudes Politiques de Paris ("Sciences-Po").
Philippe de
Ferrari figure sur la liste des professeurs de l'Ecole sans
interruption de l'année universitaire 1877-1878 à
l'année universitaire 1890-1891, avec la qualité de
"professeur au Collège Chaptal" sauf pour la dernière
année. La graphie de son nom passe en 1884-85 de "Ferrari"
à "Ferrary".
liste des professeurs de l'Ecole Libre des Sciences Politiques pour l'année 1877-1878 (publication de l'ESLP)
la première qui mentionne Philippe de Ferrari
Sa
charge d'enseignement est d'une conférence par semaine (le plus
souvent le jeudi à 9 heures), dans la section d'histoire
diplomatique de l'Ecole où les cours principaux sont
assurés par Albert Sorel (1842-1906) et Henri Pigeonneau (1834-1892).
tableau des cours pour l'année universitaire 1881-82 (publication de l'ESLP)
Son premier cours, à partir de 1877-78, est intitulé "Analyse des principaux traités de 1648 à 1780 - recueils et ouvrages à consulter". A partir de l'année 1880-81, il alterne ce cours avec un autre cours "Histoire de la formation territoriale des principaux Etats de l'Europe et de leurs relations internationales au moyen-âge". Pour l'année 1889-90, il est suppléé par Raymond Koechlin,
publiciste (1860-1931) ; pour la dernière année
1890-91 les documents de l'Ecole ne lui attribuent pas
expressément d'enseignement.
liste des professeurs de l'Ecole Libre des Sciences Politiques pour l'année 1890-91 (publication de l'ESLP)
la dernière qui mentionne Philippe de Ferrari
Philippe de Ferrari a-t-il dû sa charge d'enseignement à la générosité de sa mère ?
La
Duchesse de Galliera est la bienfaitrice de l'Ecole Libre des Sciences
Politiques, puisqu'elle a fait en 1877 à l'Ecole un don de 1
million de francs qui lui a permis de s'établir à demeure
au 27, rue Saint-Guillaume (adresse qui est toujours celle de
"Sciences-Po"). Et Philippe de Ferrari s'éloigne de l'Ecole peu
après le décès de sa mère (1888).
Reçu du don de 1 million de francs au crédit de l'Ecole, daté du 7 mai 1877
(archives de l'IEP)
Les
correspondances adressées par la Duchesse à Emile Boutmy,
directeur de l'Ecole, recommandent sans équivoque Philippe de
Ferrari à la bienveillance de celui-ci.
Voltri, le 16 avril 1879
"Monsieur,
Je
m'empresse de venir vous remercier de la lettre que vous m'avez fait
l'honneur de m'écrire en date du 14 de ce mois. Je suis sensible
à votre attention de m'envoyer le dernier rapport
présenté à l'assemblée
générale des fondateurs de votre société.
Je le lirai avec intérêt. J'en prends beaucoup à
votre Ecole, et j'ai été heureuse d'avoir pu contribuer
à la consolider.
Rien,
Monsieur, ne saurait être plus agréable que le
témoignage donné par vous à mon fils. C'est en ce
moment ce que je souhaite pour lui de plus heureux et de plus flatteur.
Aussi je me permets de le recommander de nouveau à votre
affectueuse sollicitude. C'est par elle, par l'intérêt et
la satisfaction d'amour-propre qu'il trouvera de plus en plus,
j'espère, dans les cours que vous voulez bien lui confier, que
pourront se développer et s'utiliser les qualités de son
esprit.
Veuillez,
Monsieur, agréer mes remerciements
réitérés, et l'expression de mes sentiments les
plus distingués."
57 rue de Varennes, le 8 juin 1881
"Monsieur,
Je
trouve à mon retour rue de Varenne la lettre que vous m'avez fait
l'honneur de m'adresser le 5 de ce mois. Je m'empresse de vous dire
qu'elle me cause un sensible plaisir. Rien en effet ne saurait entrer
plus dans mes désirs que le développement, l'extension, en un mot le
succès de l'Ecole, dirigée par vous avec tant d'intelligence, de sûreté
et de zèle. Ce que vous voulez bien ajouter à l'endroit de mon fils
touche à la corde vibrante de mon coeur. J'espère qu'il se rendra de
plus en plus digne de l'estime de ses collègues, de la vôtre surtout,
Monsieur, et de l'affection que vous lui portez.
Agréez, avec mes vifs remerciements, l'expression de mes sentiments les plus distingués."
(archives de l'IEP)
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Clamart, le 30 juillet 1883
"Monsieur,
J'ai reçu la
lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire le 18 de
ce mois, au moment où je partais pour faire une absence d'une
dizaine de jours. Je m'empresse, dès mon retour, de vous en
remercier, et de vous dire que je m'associe sincèrement et personnellement
à vos soucis au sujet des périls dont est menacée
l'Ecole des Sciences Politiques. Ce serait grand dommage, ce serait
même un malheur, si elle devait succomber aux efforts
dirigés contre elle. Vous qui l'avez fondée, et qui
contribuez en une large mesure à ses succès,
généralement rassurant, vous devez plus que personne
souffrir des danger qui pèsent sur elle.
Pour ma part, je n'ai pas
besoin de dire les motifs de mes inquiétudes, puisqu'ils sont
connus. J'éprouverais un vif regret pour mon fils de le voir
privé des occupations qu'il trouve dans l'Ecole et de la
bienveillance dont vous voulez bien l'environner.
Quoiqu'il advienne,
permettez-moi, Monsieur, de vous prier de vouloir bien en toutes
circonstances les lui continuer et agréer, avec l'expression de
ma gratitude, celle de mes sentiments les plus distingués."
"Recommandé" ou non, il n'en reste pas moins que Philippe de Ferrari était qualifié pour enseigner.
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